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Le Bordeaux et un tableau

Les bar à vins l’Ecluse sont des lieux où il fait bon vivre à Paris… Ils aiment le Bordeaux et ils nous en parlent… à leur manière….

L’Ecluse Bar à Vins

Le Bordeaux et un tableau

A vrai dire, nous ne pouvons pas nous attribuer l’originalité et véracité de cet accord.

L’été dernier, j’ai eu le plaisir de visiter, à la même occasion, le prestigieux Château Montrose et une exposition intitulée « Dali intime », installée dans une salle proche de la cour. L’exposition honorait en même temps un Dali loin du personnage public et les qualités artistiques de Robert Descharnes, auteur des photos, ami intime et profond connaisseur du peintre, aussi doué que prolifique.

Je sens tout de suite que l’atmosphère a quelque chose de magique : le noir et blanc des photos en réverbérations de lumière qui, dans les fissures des fenêtres , devient l’ azur d’un matin ensoleillé, une étendue de roses rouges, et plus loin, le vert luxuriant de la vigne, qui promet ce que j’ai dans le verre.

Amatrice de vin et de peinture, je ne peux qu’accepter le défi et me risquer dans une singulière dégustation : mon Château Montrose et les tableaux d’une exposition virtuelle, dégustés dans le sens de la concordance parmi caractéristiques du même genre, pour en obtenir l’amplification.

Je regarde le rouge intense, chaud et profond, comme je regarderais le fond bleu* des tableaux de Miro, en essayant d’apercevoir des nuances et mouvements ; le temps qui coule est un reflet grenat dans le vin, une touche de blanc sur le fond bleu** la mer qui bouge… et comme je ferais face à ces tableaux, je laisse la couleur évoquer les sensations de ce qu’elle représente, avec la seule différence que, d’ici peu, en poursuivant dans la dégustation, je vais en cueillir l’essence.

Je sens l’arôme, dont je reconnais la synthèse avant l’analyse : une fusion parfaite de caractéristiques précises, que bientôt j’appellerai, griotte, baumes, épices, bois doux, cuir, et qui en s’estompant l’une dans l’autre, me donnent l’incomparable sensation de plénitude olfactive d’un Grand Bordeaux.

Je pense à mon tableau où des petites touches de couleur se succèdent, rapides et nerveuses, mais lentes dans le microcosme de nuances qui les lient, en donnant d’un coup l’impression d’une forme bien distinguée et homogène en plein air : un pont dans un paysage de nymphéas***, ou deux figures plongées dans les fleurs qu’elles sont occupées à cueillir****, ou peut-être un cheval blanc***** !

Si c’était vrai le principe empirique du mélange optique d’ Eugène Chevreul, base de l’utilisation de la couleur dans l’impressionnisme, et notamment le fait que les couleurs se fondent à distance dans l’ oeil du spectateur, qui n’en cueille que la résultante, aujourd’hui la physiologie de la transmission des impulsions nerveuses nous apprend que la sensation olfactive est aussi la résultante de la somme des stimulations, savamment dosées par la nature et l’homme s’il s’agit d’un Grand Bordeaux.

Maintenant je me demande « quelle bouche aura-t-il, ce vin à la robe surréaliste et au nez impressionniste ? ». Et voilà la surprise d’un corps qui a quitté l’austérité de la conception classique du vin de Bordeaux, et qui dans mon verre dévoile la structure d’un Adam****** de Michelange, style Renaissance, posture relaxée, harmonie et équilibre dans les proportions des muscles puissants, forgés et affinés, pour affronter la vie et le temps humain…

Finalement l’accord est bien réussi, et pour en expliquer la raison et rendre à César ce qui lui appartient, je veux citer Jean-Louis Charmoulüe, promoteur de l’exposition, mais surtout responsable depuis 1960 du niveau d’excellence du Château Montrose, Grand Cru Classé, Saint-Estèphe.

« Il existe un lien fort entre la vigne et l’art : l’essentiel de la tradition ancestrale conserve tous ses droits, mais elle s’enrichit de l’expérience et des découvertes que les vignerons comme les artistes puisent dans leur temps. Jamais ils ne croient avoir atteint le sommet, mais chacun d’entre eux, si la sensibilité en lui est restée intacte, marque son époque d’un élan particulier ».

A L’Ecluse, nous qui connaissons ces vins, sommes bien d’accord.

Silvia Faedda

* Fond Bleu, Miro 1927, oil on canvas, New York, Revlon collection

**Baigneuse, Miro 1925, oil on canvas, Paris, Michel Leiris Collection

***Nymphéas, harmonie verte, Monet 1899, oil on canvas, The National Gallery, Londres

****La cueillette des fleurs, Renoir 1875, oil on canvas, National Gallery of Art, Washington

*****Le cheval blanc, Gauguin 1898, oil on canvas, Musée d’Orsay, Paris

******The Creation of Adam, Michelangelo, detail of the ceiling of the Sistine Chapel 1508-1512, fresco, Vatican Museum, Rome