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L’Envolée lyrique – Paris 1945-1956 au Musée du Luxembourg du 26 avril au 6 août 2006

Cette exposition aura-t-elle le même succès que la Collection Philips ?

Le Sénat présente au Musée du Luxembourg, l’exposition L’Envolée lyrique – Paris 1945-1956 qui propose de redécouvrir une décennie de création foisonnante et d’expériences multiples autour de l’abstraction lyrique dans la France de l’après-guerre.

C’est la première fois qu’une grande exposition réunit un ensemble aussi conséquent de peintures autour du thème de l’abstraction lyrique des années 40 et 50 en France, offrant ainsi l’occasion exceptionnelle d’apprécier l’importance historique et esthétique de ce mouvement. Rassemblant plus d’une centaine d’œuvres, principalement issues de collections privées européennes, l’exposition contribuera ainsi à rendre hommage à de grands artistes, parmi lesquels : Jean-Michel Atlan, Jean Bazaine, Gérard Schneider, Roger Bissière, Serge Poliakoff, Georges Mathieu, Nicolas de Staël, Pierre Soulages, Alfred Manessier, Paul Jenkins, Maurice Estève, Hans Hartung, Maria-Elena Vieira da Silva, Pierre Tal-Coat, Wols et Zao Wou-ki …

Patrick-Gilles Persin, commissaire de l’exposition :

“L’Envolée lyrique, Paris 1945-1956 montre ce fabuleux carrefour international, qui évolue brillamment dans un fourmillement d’idées et d’initiatives novatrices articulées autour d’une esthétique nouvelle. Ce formidable élan pictural, prend vite la direction de ce que l’on allait appeler bientôt l’abstraction chaude (lyrique), par opposition à l’abstraction froide (géométrique). Dans l’immédiat après guerre,cet élan relance Paris et en fait, une nouvelle fois, la capitale incontestée de l’avant-garde.

L’invention de l’art abstrait date très précisément de 1910, grâce à Kandinsky qui, vivant à Munich, réalise là ses premières gouaches véritablement abstraites. En 1912, il compose, parmi d’autres oeuvres majeures qu’il titre Compositions, un de ses tableaux fondamentaux: Avec l’arc noir, aujourd’hui conservé au Centre Georges Pompidou. Après un séjour au Bauhaus, il rejoindra, en 1933, à Paris, Mondrian, les Delaunay, Arp, Schwitters et tant d’autres déjà réunis autour du critique Michel Seuphor. Mais, à peine installés à Paris, bien des artistes doivent fuir la montée du nazisme. Ainsi, Mondrian, Albers, Ernst, Masson, Chagall, Lipchitz, Matta, Zadkine, et tant d’autres…partent pour les U.S.A., principalement à New York. Là-bas, l’écriture automatique de Masson et le dripping, inventé par Max Ernst en 1942, s’imposent vite.

En France, pendant ce temps, malgré l’Occupation allemande, l’internement ou la clandestinité, certains artistes, encore actifs, s’engagent dans une voie autre, nouvelle qui les éloigne sensiblement du classicisme, de l’orthodoxie de l’enseignement reçu. Quelques tentatives d’évolution plastique se mettent en place, grâce à des peintres comme Le Moal, Bazaine, Manessier, Estève, Gischia ou Lapicque. Ils montrent alors leurs oeuvres à la Galerie Braun, ou mieux encore chez Louis Carré, et témoignent de leur éloignement de la représentation de la nature et donc d’une certaine façon de la figuration de grande tradition française. Le thème du paysage évolue, se schématise et se fait plus abstraite. Cela conduit à un réel éclatement qui s’amplifie, puis s’impose après la Libération de 1945. Les retours de captivité ou de clandestinité pour certains, et d’exil pour d’autres viennent grossir les rangs des tenants de cet élan lyrique naissant qui mènera un grand nombre d’entre eux jusqu’à l’apothéose du geste.

La vie artistique reprend naturellement ses droits. Dans la foulée, bon nombre de nouvelles galeries ouvrent leurs portes, principalement tenues par des femmes comme Denise René, Lydia Conti ou Colette Allendy, qui, enthousiastes, soutiennent ces jeunes artistes. Place Vendôme, René Drouin, offre déjà ses cimaises à Wols. L’élan lyrique prend alors un réel essor. Assez rapidement, d’autres artistes viennent grossir la petite troupe. Ils se lancent à leur tour dans cette nouvelle aventure, fortement attirés aussi par la totale liberté et l’indépendance de ce puissant mouvement naissant qui n’est et ne sera jamais une Ecole. Une précision s’impose: l’abstraction se divise en deux parties, en deux clans bien distincts, d’une part la Géométrie et d’autre part le Lyrisme. A la rigueur froide de la première, s’opposent la chaleur et la générosité du geste et de la matière de l’autre. Certes, l’artiste a le choix, et peut passer de l’une à l’autre, mais une seule fois, bien entendu. Ce que quelques-uns firent.

Dès le commencement, les paternités se définissent. Pour certains ce n’est pas vraiment nécessaire, alors que pour d’autres, le père est Bissière, qui enseignait avant la guerre à l’Académie Ranson. D’autres encore, désignent le peintre allemand Wols, dont la révélation de l’oeuvre s’impose très tôt, et principalement à Georges Mathieu qui, d’emblée, joue un rôle très important dans cet envol. Bissière et Wols sont tous deux exposés par René Drouin, respectivement en 1945 et 1947, lequel présentera également Fautrier, Kandinsky, Michaux et les premières sculptures abstraites. Dans le même temps, les galeries Jeanne Bucher, Pierre, Arnaud et d’autres encore, s’engagent immédiatement dans ce fulgurant essor. A cette époque, Schneider, Hartung et Soulages sont liés d’amitié, ils forment depuis lors un trio resté emblématique de ce mouvement. Mais, n’oublions pas que, dès 1922, au Bauhaus, Hartung réalise une importante première série d’aquarelles tachistes, puis des peintures, dix ans plus tard. Un des grands aînés, Gérard Schneider, lui, se rapproche de l’abstraction vers 1935. D’autres, comme Vieira da Silva, Atlan, Bryen, Poliakoff, Reichel ou Staël travaillent aussi dans des directions aux concepts bien personnels, et ce parfois avant 1940. Hélas, certains d’entre eux verront leur parcours esthétique limité par une vie tragiquement écourtée; d’autres, au contraire, sauront parfaitement mettre à profit leurs longévités enrichissantes.

Chacun de ces artistes protège sa propre personnalité, préservant autant son identité que sa culture. Un des points forts de cette Envolée lyrique repose sur ce que chacun des acteurs y participant reste totalement libre et indépendant dans sa démarche. Ils ont tous emboîté le pas, s’inscrivant dans diverses subdivisions plastiques du lyrisme naissant: informel, gestuel, paysagisme abstrait, tachisme, matiérisme et autres “ismes”. Mais tous, privilégient le geste et la lumière. Certains manient plus la matière, tandis que d’autres préfèrent le papier à la toile (Wols, Michaux, Reichel). Etant passés par la tendance géométrique, certains avancent au travers de recherches parfois plus aux limites du lyrisme. Les synthèses de Poliakoff et Soulages sont à ces mêmes limites, alors que d’autres encore frôlent toujours la figuration.

Julien Alvard, Charles Estienne, Roger van Gindertael, Michel Ragon et Michel Tapié sont les principaux critiques et théoriciens. Ils soutiennent avec ardeur et pugnacité ces artistes, s’opposant souvent violemment aux contradicteurs alors nombreux, issus de la figuration ou de la géométrie. Il y a là également Herta Wescher, Pierre Descargues, Pierre Courthion et aussi quelques écrivains comme Marcel Arland, Marcel Brion, Camille Bourniquel ou Jean Grenier. Dans le même temps, certains Salons se créent pour accueillir ces jeunes artistes lyriques (Mai, Octobre, La Jeune Sculpture, Les Surindépendants, Comparaisons puis les Réalités Nouvelles, pourtant initialement vouées à la géométrie…). Bien rares sont ces peintres et sculpteurs qui ne jouissent pas de cette forte personnalité, de ce véritable tempérament, qui, par leurs pluralités et la diversité de leurs origines, leur permet de se développer et s’épanouir dans un creuset novateur. Ainsi, plusieurs générations se mêlent efficacement, depuis les grands aînés qui naquirent avant 1900, comme Bissière le doyen, Schneider, Fautrier et Michaux, jusqu’aux plus jeunes nés après 1925. Outre l’absolue liberté de chacun, l’indépendance d’esprit et de création, ces artistes ont tous en commun une même foi dans ce que leur mutation, leur passage – plus ou moins rapide – de la figuration à l’abstraction était une impérieuse volonté de faire primer l’instinct et la spontanéité sur la théorie, et le fait poétique sur le savoir-faire. Ainsi sont-ils tous des pionniers courageux et enthousiastes, d’incroyables novateurs dont les inventions se répandront dans toute l’Europe, puis dans le monde, vingt ans avant que New York ne décide d’imposer ses propres artistes, dont l’existence même doit tant à ceux de l’Envolée lyrique. Il est d’ailleurs indéniable que ce mouvement, qui perdure planétairement, s’est inscrit comme un des principaux courants du XX° siècle: son pouvoir et sa longévité sont dus principalement à son extrême originalité, sa pluralité infinie et une rigueur qui ne l’ont jamais empêché de conserver une belle part d’irrationnel et d’onirique.”